Seule la version prononcée fait foi

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Président de la Chambre des représentants du peuple éthiopien,

Madame la co-Présidente de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE,

Chers collègues parlementaires,

Messieurs les co-Secrétaires géneraux,

Excellences, Mesdames, Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d'abord me tourner vers vous. Je pense que je me fais ici l'interprète de toute l’Assemblée, pour vous remercier très sincèrement et très chaleureusement, d’avoir accepté de rehausser cette séance de votre présence.

Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, et Monsieur le Président de la Chambre des représentants du peuple éthiopien, ainsi que toutes les autorités éthiopiennes, pour l'accueil tout-à-fait exceptionnel que nous avons reçu. L'appui que vous apportez à cet événement témoigne de votre engagement profond pour les causes que cette Assemblée défend depuis sa création.

Monsieur le Président de l'Assemblée, je suis honoré de remplacer notre Coprésident Louis Michel qui, malheureusement, n'a pas pu venir à Addis Abeba en ce jour comme il l'aurait souhaité, en raison de sa fonction comme Chef observateur de l’Union européenne pour les élections législatives qui se sont tenues au Mali hier.

Comme d'habitude, notre ordre du jour comprend des sujets extrêmement variés mais qui, toujours, collent à l'actualité et aux grandes questions du moment.

Nous allons traiter des problèmes de stabilité et de sécurité, du renforcement de la démocratie et du rôle d'un système judiciaire indépendant et impartial. Nous allons débattre des défis du financement du développement et de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement en Afrique et, étant donné que nous nous trouvons à Addis Abeba, siège de l’Union africaine, nous discuterons aussi de la coopération institutionnelle entre l'Union africaine et l'Union européenne, un sujet qui intéresse les citoyens de ces deux régions du monde et dont notre Assemblée se saisira pour la première fois .

Sécurité dans la région des grands lacs et situation dans l'archipel des Comores

Chers collègues,

Avec la défaite du groupe armé illégal M23, une nouvelle dynamique s’installe désormais dans la région des grands lacs après une énième rébellion lancée dix-huit mois plus tôt et qui, à son apogée en novembre 2012, avait brièvement occupé Goma.

Or, bien que cette victoire militaire soit importante, il faut que les efforts politiques et diplomatiques pour rétablir une paix durable dans cette partie de la RDC (et du reste, dans tout le pays) se poursuivent, car rien n’est gagné d’avance.

Je crois qu’aujourd’hui, plus que jamais, il est indispensable de mettre enfin en œuvre l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région des grands lacs, signé le 24 février 2013. Je suis sûr que cet accord reste la meilleure base de travail pour relancer les efforts entrepris conjointement par la RDC, les pays de la région et la communauté internationale en faveur d’une solution durable à la crise dans l’est de la République démocratique du Congo.

La mise en œuvre de l’accord devrait donner priorité à la réforme du secteur de la sécurité car cela permettrait aux autorités congolaises d’assurer l’intégrité territoriale du pays. La mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) devrait continuer d’appuyer les efforts du gouvernement congolais dans ce sens.

À cet égard, il faut saluer le succès du transfert d’une partie de la composante « état de droit » de la mission dans l’est du pays, où aucun effort ne doit être ménagé dans la lutte contre l’impunité, afin qu’il soit enfin mis fin aux violences sexuelles visant surtout les femmes, les jeunes filles et même les toutes petites filles, et à celles dirigées contre d’autres mineurs, y compris le recrutement d’enfants soldats.

Concernant les violences sexuelles sur les femmes et leur utilisation comme armes de guerre, certains collègues ici présents ont peut-être toujours à l’esprit le témoignage bouleversant et proprement horrifiant du Docteur Mukwege, gynécologue en chef à l’hôpital de Panzi (Sud-Kivu), qui s’efforce, corps et âme, de ‘réparer’ de nombreuses victimes de viols.

L’accord pour la paix nous rappelle ce que notre collègue Louis Michel n’a cessé de répéter depuis longtemps: seule une solution inclusive et régionale, réunissant les Présidents de la République démocratique du Congo (RDC), de l’Ouganda, du Rwanda, mais aussi du Burundi, de l’Angola et du Congo-Brazzaville permettra une sortie durable de la crise et de mettre un terme au conflit dans l’est de la RDC.

Nous évoquerons aussi la situation dans l’archipel des Îles Comores, notamment les drames humains dans le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte, où des centaines de vies humaines sont perdues quotidiennement. Cela nous renvoie au drame de ceux qui essaient d’atteindre le sol de l’Europe comme nous l’a rappelé encore récemment le drame de Lampedusa.

C'est pourquoi il est impératif et urgent de définir avec les Comores une politique de coopération active en matière d'immigration. Le partage de la gestion des flux migratoires avec les Comores, accompagné de contreparties en termes de développement économique et social en faveur de la partie comorienne, est indispensable si l'on veut obtenir des résultats.

Il faut mettre un terme aux tragédies créées par les juteux trafics de kwassas kwassas (pirogues), créés par des filières organisées, et aux lourdes difficultés engendrées à Mayotte par une immigration non maîtrisée. La conclusion d'accords bilatéraux entre la France et les Comores, notamment dans le domaine de l'immigration, est un pas vers la résolution de cette problématique.

Coopération institutionnelle entre l'Union africaine et l'Union européenne

Chers collègues,

Cette année, l’Union africaine a célébré son 50ème anniversaire. En tant qu’Européens, il faut féliciter de tout cœur nos partenaires africains pour cet événement d’exception et réaffirmer notre volonté de poursuivre notre solide partenariat, fondé sur des valeurs partagées et des intérêts communs.

Le soutien de l’Union européenne, encadré depuis 2007 par la stratégie commune Afrique‑UE, ne se limite pas à une coopération au développement déjà ancienne. L’UE travaille aussi en étroite collaboration avec l’Afrique dans une série de domaines, notamment la paix et la sécurité, l’agriculture et le développement rural, les infrastructures et l’énergie, la recherche, les applications spatiales, les migrations et la mobilité.

Des avancées concrètes ont été obtenues aussi bien au niveau politique que sur le plan opérationnel. En voici quelques illustrations: la mission de l’Union africaine en Somalie et la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine sont deux exemples du rôle important de ce partenariat dans le domaine de la paix et de la sécurité. En outre, la Plateforme de dialogue Afrique-UE sur la gouvernance et les droits de l’homme a permis la formulation d’agendas de gouvernance communs et de recommandations qui apportent des améliorations tangibles dans les institutions et les vies des citoyens africains.

Des mécanismes comme la facilité de soutien à la paix pour l'Afrique, le Fonds fiduciaire UEAfrique pour les infrastructures, le programme de soutien aux institutions de l’Union africaineou encore l’initiative Climat pour le développement de l’Afrique contribueront également à la réalisation des objectifs communs de notre partenariat.

Le prochain sommet Afrique‑UE, qui aura lieu en avril 2014 à Bruxelles, montrera sans aucun doute des résultats plus concrets pour les citoyens de nos deux continents. Comme c’était le cas lors des sommets précédents, la dimension parlementaire sera assurée par une réunion entre le Parlement européen et le Parlement panafricain, qui se tiendra la veille du sommet.

Je suis convaincu que nous pouvons encore aller beaucoup plus loin, en nous attaquant ensemble à nos défis communs, en éradiquant la pauvreté et en partageant les bénéfices du commerce et de la croissance.

Vers une nouvelle gouvernance en faveur du financement du développement

Chers collègues,

Deux mois après la 68ème Assemblée générale des Nations unies, dont les travaux se sont concentrés sur la révision des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et sur le programme pour l’après 2015, le financement du développement revêt une importance toute particulière, car les enjeux sont de taille.

Nous aurons bien évidemment besoin de maintenir notre engagement en matière d’aide publique au développement. Elle restera essentielle pour faire reculer la pauvreté, notamment dans les pays les moins avancés. Mais, nous le savons, elle seule ne pourra répondre aux enjeux de l’agenda unique et universel du développement durable que nous appelons de nos vœux. Nous aurons besoin d’inventer et de mettre en œuvre de nouveaux types de financements.

Dès aujourd’hui, nous pouvons lever de nouvelles ressources pour le développement. Par exemple, la France a affecté 10 % de la taxe sur les transactions financières au financement du développement, en particulier à la santé et à l’environnement. Grâce à ces fonds, une initiative pilote permettra un accès gratuit aux soins pour deux millions d’enfants au Sahel.

Nous devons, en même temps, placer, également au centre du financement du développement, la mobilisation des ressources nationales au service d’un développement endogène et dans le respect de l’appropriation nationale des pays concernés.

Une telle appropriation passe par le renforcement des capacités fiscales nationales et par la lutte contre les flux financiers illicites qui entravent considérablement le développement de nombreux pays. La transparence et l’efficacité des systèmes fiscaux nationaux sont à cet égard déterminants.

Cette universalisation de l’engagement doit aller de pair avec une différenciation, afin que chacun contribue de manière équitable et en accord avec ses propres moyens.

Nous aurons la possibilité d’en discuter davantage, notamment en ce qui concerne l’utilisation des ressources naturelles et les réformes fiscales accompagnées des politiques de redistribution des richesses.

Coopération Sud-Sud et coopération triangulaire

Chers collègues

Dans les négociations pour le programme de développement pour l'après-2015 une idée fait déjà l'objet d'un consensus au sein de la communauté internationale : la coopération Sud-Sud devrait continuer à faire partie intégrante du partenariat mondial pour le développement.

Et cela pour des raisons très simples: les pays en développement s'inspirent les uns des autres pour trouver des solutions novatrices aux problèmes pressants qu'ils rencontrent en matière de développement.

Par exemple, avec le programme de versement d'aides Bolsa Familia, le Brésil a réussi à améliorer la nutrition et l'éducation des enfants et le système a été transposé avec succès en Afrique. En Inde, avec le programme de garantie de l'emploi rural, chaque famille rurale du pays a tous les ans le droit d’obtenir 100 jours d'emploi non qualifié dans un programme de travaux publics.

Les pays du Sud ont bien d'autres atouts en main qui, utilisés à bon escient, peuvent s'avérer décisifs dans un grand nombre de domaines prioritaires, comme la lutte contre la faim, l'accès à la santé et à l'éducation et le développement de l'énergie durable.

La coopération Sud-Sud offre, dès lors, une foule de possibilités que les pays ACP doivent mettre pleinement à profit.

Réalisation des OMD en Afrique

Chers collègues,

Bien que l’Afrique soit la deuxième région du monde en termes de croissance, son taux de réduction de la pauvreté ne suffira pas à diminuer de moitié l’extrême pauvreté d’ici à 2015. C’est le constat frappant tiré du «Rapport 2013 sur les OMD en Afrique» publié récemment par le Programme de développement des Nations unies.

Certes, la région a connu d’impressionnantes performances économiques ces dix dernières années, mais des progrès encore plus importants sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement sont nécessaires et demeurent l’un des objectifs principaux de l’Afrique.

Je reste convaincu que l’Afrique devrait s’engager en faveur d’un développement inclusif, axé sur la réduction de la pauvreté liée au revenu et au combat contre les inégalités, qui puisse créer des emplois décents, élargir l’accès aux services sociaux, et promouvoir la résistance aux catastrophes climatiques tout en veillant à ce que cette stratégie soit participative et inclue la société civile et les autorités locales, qui sont à la base des efforts pour créer tous ces synergies.

(Conclusion)

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Voilà quelques-uns des sujets que nous allons aborder.

Ces questions sont délicates, elles peuvent parfois nous froisser, elles peuvent parfois nous diviser. Néanmoins nous avons la chance de nous retrouver régulièrement pour échanger sans tabous, pour nous dire les uns aux autres les choses franchement. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, et c'est heureux, c'est aussi ça la démocratie, mais nous nous respectons et nous acceptons que les idées des uns et des autres puissent être différentes, mais légitimes. C’est ainsi que nous faisons vivre le parlementarisme et développons la conviction mutuelle.

Monsieur le Président de la Chambre des représentants,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

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