A l’ouverture du 7ème sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, 13 décembre 2012, Malabo, Guinée Equatoriale

Excellence Monsieur le Président de la République de Guinée Equatoriale et Cher ami,

Excellences Mesdames et Messieurs des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP),

Mesdames et Messieurs les Chefs de délégations

Monsieur le Secrétaire Générale du Groupe ACP

Messieurs les anciens Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Commissaire Européen au Développement,

Messieurs les Coprésidents de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE,

Mesdames et Messieurs les Responsables d’Organisations et Institutions Internationales,

Mesdames et Messieurs les Responsables des Organisations d’intégration régionale,

Messieurs les anciens Secrétaires Généraux du Groupe ACP,

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs,

Quatre années après notre dernière rencontre tenue à Accra au Ghana, les 2 et 3 octobre 2008, nous voici à nouveau réunis à Malabo, belle et accueillante capitale de la Guinée Equatoriale pour échanger sur l’avenir du groupe des ACP dans un contexte mondial marqué par des mutations et des interrogations.

Vous me permettrez d’abord d’adresser, au nom de l’Afrique, ma profonde gratitude à mon cher aîné, Son Excellence Monsieur Theodoro Obiang Nguema Mbasogo, Président de la République de la Guinée Equatoriale, au Peuple et au Gouvernement équato-guinéens, pour la cordialité et la convivialité africaines de l’accueil de toutes les délégations ici présentes. Au nom du continent, je salue votre hospitalité et surtout votre vision de panafricaniste doublé par votre détermination au cours des récentes années glorieuses d’accélérer la marche de votre pays vers l’émergence et la prospérité. Le choix de Malabo, Capitale des transformations économiques n’est donc pas le fruit du hasard pour la conférence au sommet de notre organisation en quête de son identité et de sa refondation.

Je voudrais également exprimer mes remerciements aux Chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont répondu favorablement aux invitations du Président de la Guinée Equatoriale et du Secrétaire Général du Groupe ACP.

Mes remerciements vont également à la délégation de l’Union Européenne conduite par mon cher et bien aimé ami, Andris Piebalgs, Commissaire européen au développement dont la présence à ce Sommet est l’expression de l’excellence des relations de Partenariat et de l’amitié entre le Groupe ACP et l’Union Européenne dans le cadre de l’Accord de Cotonou. C’est le lieu de renouveler mes félicitations à toutes les instances de l’Union Européenne pour leur rôle de leadership qui leur a valu le prix Nobel de la Paix parce qu’elles auront compris que la paix au sein de l’Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale détermine la prospérité au sein de leur communauté. Ce modèle de paix est un défi pour l’humanité.

C’est l’occasion pour le Groupe ACP, par ma voix, de saluer le rôle de leadership de chacun des membres de l’Union Européenne dans la mise en œuvre en Europe du pacte de stabilité financière et bancaire, de croissance, d’emploi et de solidarité en vue de garantir la prospérité économique et sociale de l’Europe et certainement de notre partenariat ACP-Union Européenne du fait de l’interdépendance de nos pays.

J’adresse mes vives et sincères félicitations au Comité des Ambassadeurs et au Secrétaire Général du Groupe ACP Dr Mohamed Ibn Chambas, pour les efforts inlassables déployés dans la modernisation et la nouvelle gouvernance des affaires de notre groupe depuis son accession au Secrétariat Général. La tenue du présent somment est le symbole de son leadership.

Dans la tradition africaine de communion entre les vivants et les morts, je voudrais enfin nous inviter à observer une minute de silence en mémoire de tous les Chefs d’Etat et de Gouvernement de notre groupe qui nous ont quittés au cours de cette année. Je songe particulièrement au feu Président de la république sœur du Ghana, le professeur Atta Mills dont le pays assure la Présidence en exercice des ACP.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Nous sommes appelés ce jour à réfléchir sur l’avenir du Groupe ACP et son partenariat avec l’Union Européenne, 37 ans après sa création. Ce partenariat visait notamment quatre objectifs à savoir:

  • Sortir les pays ACP de leur marginalisation dans le commerce mondial;
  • Apporter à ces pays l’aide publique au développement à travers l’assistance technique et la coopération financière;
  • Promouvoir l’intégration régionale;
  • Améliorer l’environnement politique et la gouvernance, promouvoir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’équilibre du genre.

La question cruciale à laquelle nous sommes appelés à répondre est de savoir si le contexte et les hypothèses qui fondaient ce partenariat sont et demeurent encore valables aujourd’hui.

L’architecture de la coopération internationale a connu de profonds bouleversements qui autorisent que le partenariat ACP-UE s’y réadapte avec efficacité. Citons entre autres bouleversements:

  • La montée en puissance des économies émergentes à savoir les BRICS qui ouvre de nouvelles perspectives pour les échanges, les investissements et la coopération au développement.
  • Les élargissements successifs de l’Union Européenne qui ont modifié l’attitude collective de cet ensemble vis-à-vis du Groupe ACP.
  • L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne dont certaines dispositions méritent réflexions quant à l’avenir du partenariat stratégique ACP-UE.
  • La difficulté pour les ACP et l’Union Européenne de s’entendre sur la définition des intérêts communs.

Nos Etats africains au sein de la famille ACP ainsi que nos groupes régionaux sont donc aujourd’hui confrontés à de nouveaux défis qui nous interpellent et nous invitent à prendre des initiatives pour repositionner notre Organisation commune dans le nouveau contexte international. Je me réjouis et me félicite donc du th`me de ce Sommet qui porte sur «l’avenir du groupe ACP dans un monde en pleine mutation: Défis et opportunités».

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le premier défi pour l’avenir du groupe ACP et son partenariat avec l’union Européenne se rapport à la paix, la sécurité, la stabilité et l’unité.

Ainsi que vous le savez, la paix et la sécurité sont des pré-requis essentiels pour le progrès et le développement. La situation sécuritaire en Afrique notamment est aujourd’hui de plus en plus préoccupante et il est important que des actions vigoureuses soient entreprises dans le sens du renforcement de l’unité du Continent, de la coopération en matière de prévention, de gestion et de règlement des conflits internes à nos Etats en vue de la construction d’un climat de paix indispensable au développement. Dans ce cadre, il doit être compris que les Etats ACP doivent d’abord compter sur leur propre force pour prévenir et régler les conflits qui menacent et compromettent leur développement. Participe de cette préoccupation, notre capacité à renforcer la Charte Africaine de Démocratie, de Gouvernance et des Elections ainsi que notre capacité à renforcer la lutte contre la corruption, l’impunité et notre capacité à rétablir la transparence, l’obligation de résultat et de redditions des comptes. C’est dans cette perspective que la situation au Mali et en République Démocratique du Congo mérite de notre part une attention toute particulière, des actions rapides, courageuses et efficaces. Plus particulièrement, le cas du Mali interpelle la conscience de la Communauté internationale dans sa capacité à rétablir dans délais l’ordre constitutionnel à Bamako à l’abri de l’interférence de certains militaires dans la vie politique de ce pays, et à décider d’une légalité onusienne par l’envoi sans délais d’une Force d’intervention pour apporter une riposte appropriée en vue de l’éradication du péril terroriste préjudiciable à la paix dans le monde.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le deuxième défi se rapporte à la nécessité de transformer notre partenariat avec l’Union Européenne en un espace intégré, j’allais dire en une alliance de coprospérité, un espace homogène de délocalisation à valeur ajoutée réciproque, un espace de mutualisation des richesses.

Alors que dans l’ensemble nous observons une amélioration de la part des pays en développement dans le commerce mondial, les Etats ACP continuent d’occuper une place marginale dans l’économie mondiale. Sur 49 pays moins avancés, 40 appartiennent au groupe ACP. Ce constat sombre est renforcé par le fait que seule une faible proportion de biens sont transformés parmi les produits exportés. Les pays ACP se caractérisent également par leur forte dépendance vis-à-vis des explorations d’un nombre très réduit de matières premières agricoles et minérales, lesquelles sont soumises à d’énormes fluctuations de prix sur les marchés internationaux, générant ainsi un facteur d’insécurité pour les finances publiques, de chômage pour les jeunes et d’instabilité pour les démocraties dans ce pays.

En outre, alors qu’elle compte pour 12% de la population mondiale, l’Afrique constituée de 36 pays ACP ne représente que 1% du PIB mondial, 2% du commerce mondial, et mois de 3% des investissements directs étrangers.

A la lumière de ces faits, il nous faut donc un nouveau partenariat. Ce nouveau partenariat dont nous rêvons doit avoir pour finalité la promotion de l’intégration horizontale des économies de toutes nos régions ACP d’une part, et l’intégration verticale de ces dernières avec l’Union Européenne d’autre part.

Vous conviendrez avec moi que la dynamique politique visant la bonne gouvernance, la démocratie telles que consacrées dans l’Accord de Cotonou et que nous apprécions, doit cependant être encore davantage suivie d’une dynamique économique et commerciale faite de délocalisations à valeur ajoutée réciproque en vue de bâtir une véritable alliance stratégique de coprospérité.

Cette dynamique économique et commerciale souhaitée requiert une base de développement durable, je veux dire une croissance inclusive, des espaces économiques de taille convenable, une production diversifiée, une amélioration de la compétitivité des Etats ACP dans le commerce mondial. Cette dynamique passe par la réalisation des infrastructures économiques susceptibles de créer les conditions favorables aux investissements privés nationaux et internationaux. Il s’agit en l’occurrence des infrastructures ferroviaires, portuaires, aéroportuaires, routières, énergétiques et de communications. Dans cette perspective, nous devons renforcer les interconnections à caractère sous régional qui alimentent les stratégies régionales de développement.

A cet égard, l’Afrique, pour sa part, s’est déjà dotée d’un Programme Intégré de Développement des Infrastructures (PIDA). C’est également le lieu de saluer les initiatives du Secrétaire Général des Nations Unies et du Président de la Commission de l’Union Européenne visant à garantir aux énergies renouvelables pour tous.

De même, notre partenariat sera également ce que sera l’agriculture et sa capacité à générer la sécurité alimentaire, l’économie verte et l’emploi des jeunes dans notre famille communautaire. C’est à ce titre que l’Afrique s’est dotée d’un Programme Intégré du Développement de l’Agriculture qui prend en compte tous ces aspects.

Notre partenariat ne saurait également ignorer la volonté de nos Etats à moderniser leur système éducatif en adéquation avec les besoins du marché.

Enfin, notre partenariat stratégique ne peut faire l’impasse de notre détermination à garantir la santé pour tous par l’éradication des grandes pandémies de ce siècle et la mise en œuvre d’un régime d’assurance santé pour la couverture sanitaire de nos populations. C’est là tout le sens de la responsabilité partagée de la solidarité internationale pour juguler les pandémies lancées par L’Union Africaine et l’ONUSIDA.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le troisième défi est celui de la définition des intérêts communs dans le cadre de notre partenariat avec l’Union Européenne.

Les Accords de partenariats économiques nous apparaissent dans leur forme actuelle plus comme un accord de libre échange qu’un instrument de développement. Les discussions sur l’APE ont montré que les situations économiques diffèrent d’une région à une autre entraînant des différences d’appréciations sur l’intérêt de conclure ou non les APE. Ces divergences ont conduit à une évolution variable des négociations selon les pays et régions où certains ont conclu des APE complets. D’autres ont paraphé des APE intérimaires et d’autres négocient encore. Au niveau général, l’impasse porte sur un certains nombres de divergences dont notamment:

  • Le degré d’ouverture des marchés,
  • L’inclusion de la clause de la nation la plus favorisé,
  • Le traitement à réserver aux subventions agricoles de l’Union Européenne dans le cadre de l’APE,
  • L’inclusion de la clause de non exécution,
  • L’exigence de la Commission Européenne concernant l’’ouverture de négociations avec les pays formant une union douanière avec l’union Européenne dont la Turquie.

Ces divergences sont assez sérieuses et appellent une plus grande flexibilité, aussi bien dans la fixation des délais que dans la recherche de solutions. Si au niveau technique, l’absence de consensus persistait, nous sommes d’avis qu’un sommet des Chefs d’Etat ACP-Union Européenne serait d’un grand atout afin de sortir de l’impasse. Dans ce cadre le Bénin propose la mise en place d’un panel haut niveau, co-présidé par quatre Chefs d’Etat représentant l’Union Africaine, le CARICOM, le Forum des Iles du pacifique et l’Union Européenne. Ce panel aura pour mission de s’approprier ce dossier et de soumettre dans un délai d’un an des propositions au prochain sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement ACP-Union Européenne en vue de sortir de l’impasse et de s’accorder sur le futur de notre partenariat. La santé politique de ce dossier nous l’exige. Il s’agit donc pour nous préparer les bases d’un débat constructif devant prendre en compte les visions et intérêts ACP, les intérêts stratégiques de l’Union Européenne, les résultats concrets du partenariat.

Nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes interdépendants et qu’un Groupe ACP prospère est un allié de poids et un atout précieux pour l’Union Européenne pour qu’ensemble nous constituons le premier pôle de développement dans le monde. L’ACP des gouvernements le souhaite, l’ACP des institutions et l’ACP des peuples le désirent.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le quatrième et dernier défi a trait à la survie du groupe ACP. 2020 marquera le terme de l’accord de Cotonou et nous en sommes conscients. Nous devons nous y préparer dès à présent en envisageant des réponses stratégiques à tous les scénarii susceptibles d’assurer la survie de notre groupe et son repositionnement sur la scène internationale. Nous formons le vœu, quel que soit le scénario retenu, de voir notre groupe devenir un groupe interconnecté et intégré, une alliance de coprospérité. Dans cette optique nous devons œuvrer à donner à la notion de «groupe»tout sons sens et un contenu à travers un renforcement de notre coopération, je veux dire la coopération intra ACP, basée sur la solidarité, la cohésion et l’unité d’action.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

A la lumière de tous ces défis que je viens d’énumérer, vous convenez avec moi qu’il nous faut redoubler davantage d’efforts et d’innovations afin de rendre nos économies compétitives.

Ce 7ème Sommet doit donc être celui de la refondation de notre Groupe. Il s’agit par conséquent d’un rendez-vous historique devant nous permettre d’asseoir dans les ACP les bases d’un entreprenariat dynamique, créateur de valeurs ajoutées et d’imprimer à notre organisation une impulsion pour lui permettre de tenir sa place surl’échiquier international. Cette ambition ne saurait se réaliser qu’avec une volonté politique affirmée, un engagement soutenu et détermination sans faille.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le Sommet de Malabo jette les bases de la renaissance et du futur de notre partenariat après 2020. La tâche qui nous incombe est immense. Nous devons nous y atteler fermement, avec la conviction que les difficultés évidentes du parcours ne doivent pas nous conduire à la résignation, car les peuples de nos pays attendent légitiment de leurs leaders que nous sommes, un mieux-être. Nous n’avons pas le droit de rester sourds à leurs aspirations. Nous sommes arrivés à un point de non retour de par le chemin déjà parcouru, à travers notre histoire, la proximité géographique, la culture, les valeurs partagées, les échanges commerciaux, les investissements etc.

Je le répète, nous ne pouvons pas rester sourds aux aspirations de nos peuples. Nous le pourrons si nous le voulons et nous le voudrons parce que nous le devons, car c’est à travers une véritable mutualisation de nos richesses que la paix, la stabilité et la sécurité reviendront dans le monde nouveau que nous appelons de tous nos vœux. Ce monde nouveau est possible.

Je souhaite plein succès à nos travaux.

Vive le Groupe ACP,
Vive le Partenariat ACP-Union Européenne,
Je vous remercie.

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