Allocution de S.E Dr. Patrick Gomes Secrétaire General du Groupe des Etats ACP lors de la 47e Session de L’assemblée Parlementaire ACP, 11 octobre 2017 à Bruxelles
– Hon. Ibrahim Bundu, Président de l’Assemblée parlementaire ACP,
– Honorables Membres,
– Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ACP présents,
– Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous remercier de cette nouvelle occasion de partager avec vous quelques réflexions.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de saisir d’emblée cette occasion pour me joindre à vous et exprimer les condoléances et la sympathie du Groupe ACP à un certain nombre de pays qui ont subi au cours des derniers mois des pertes humaines et des destructions de biens à la suite de catastrophes naturelles, d’ouragans, de glissements de terrain, de graves inondations, de sécheresses et d’attaques terroristes. Nous souhaitons à ces pays un relèvement rapide et une remise en état de leurs infrastructures.
Le Secrétariat ACP s’est attelé à mobiliser le soutien financier en faveur des efforts humanitaires. Il semble néanmoins que le Groupe ACP doive s’efforcer d’obtenir un appui à long terme en vue de renforcer la résilience et une meilleure préparation de ses Etats membres à de telles catastrophes. Je proposerai par conséquent de constituer un Fonds ACP de solidarité d’urgence dans le cadre des activités opérationnelles intra-ACP de l’année prochaine.
Monsieur le Président,
J’aimerais prendre quelques instants pour vous informer de certaines initiatives prises par le Secrétariat depuis notre dernière réunion à Malte. Mais étant donné l’échange riche d’enseignements tenu lundi avec les parlementaires, mes remarques ne peuvent se résumer à une simple communication d’informations.
J’ai écouté avec attention les préoccupations sincères selon lesquelles l’Accord ACP-UE de l’après-Cotonou doit témoigner d’un changement d’orientation radical par rapport à la relation déséquilibrée qui a prévalu jusqu’à présent, en dépit de certains avantages concrets. En termes d’échanges, cette relation est asymétrique – d’une part, l’UE dispose d’une plus grande capacité de de production et de commercialisation et, d’autre part, ses mécanismes institutionnels reposent sur davantage de technologie, de compétences et de ressources humaines.
L’ensemble du processus en vue d’un accord pour l’après-Cotonou se fonde sur l’objectif fondamental de réaliser la transformation structurelle des économies ACP.
Cela signifie que les ressources productives doivent permettre de créer des emplois, en particulier pour les jeunes et les femmes ; que les investissements doivent déboucher sur des revenus équitables pour les travailleurs, sous la forme de salaires suffisants pour améliorer la qualité de vie des familles ; et que l’éducation et les soins de santé doivent devenir disponibles, à un coût raisonnable ou gratuitement.
La transformation des structures économiques et des stratégies d’investissement est essentielle pour offrir une vie saine et productive à la grande majorité de nos citoyens et pas seulement à quelques-uns d’entre eux.
Ces idées reflètent ce que plusieurs Membres ont affirmé lundi. La Gambie a été claire à cet égard, de même le Cameroun, et l’Éthiopie a évoqué la bombe de la jeunesse qui est sur le point d’exploser.
Il s’agit là du contexte et du processus dans lesquels s’inscriront les positions lors des négociations qui seront engagées par un Groupe ACP réinventé et restructuré. Ces éléments sont exposés dans le document « Vers le groupe ACP que nous voulons ». Ce document, qui a été distribué depuis la réunion à Malte, mérite d’être lu attentivement et critiqué. Embellissez-le par vos commentaires. Des copies peuvent être envoyées par voie électronique à ceux qui ne l’ont pas.
Le processus de négociation s’appuie sur une feuille de route – l’Accord de Georgetown doit être révisé ; des rapports seront établis à l’intention des équipes techniques de négociation sur chacun des trois piliers stratégiques ; des études seront réalisées sur le dialogue politique et la Facilité d’investissement dans l’Accord de Cotonou, etc. Ces éléments déboucheront sur l’échange d’un mandat de négociation avec la Commission européenne d’ici août 2018. Vous devez, en qualité de parlementaires, jouer un rôle clé. Vous examinerez, modifierez, clarifierez et ratifierez un nouvel accord ou le rejetterez, comme vos parlements respectifs le jugeront opportun.
J’ai été particulièrement frappé par les représentantes parlementaires du Samoa et du Gabon, qui nous ont incités à tracer une voie qui débouche sur des avantages concrets pour les millions de personnes dans nos 79 États membres.
À l’honorable parlementaire du Gabon, j'admire votre question pertinente quant au regard que portera l’UE sur la diversification des partenariats ACP. Je ne puis y répondre qu’en affirmant qu’il nous appartient de déterminer la nature et le type de partenariats que le Groupe ACP dans son ensemble cherchera à établir.
Ceux-ci ne doivent pas être incompatibles avec l’accord juridiquement contraignant que nous avons conclu – un traité – avec l’Union européenne. La nature et la portée de l’appartenance au Groupe ACP seront déterminées par les dispositions de notre acte constitutif – l’Accord de Georgetown de 1975, tel qu’amendé en 2003.
Le Conseil a décidé de réexaminer cet Accord. Il s’agit là d’une autre étape importante sur notre feuille de route. Vos contributions critiques seront nécessaires à cette révision.
Monsieur le Président, Honorables Membres,
Si l’essentiel des discussions et des consultations en vue des négociations, et au cours de celles-ci, se tiendront à Bruxelles, il sera néanmoins nécessaire de mener des réflexions approfondies à l’échelle régionale afin de veiller à ce que l’approche du Groupe ACP soit aussi globale et ouverte que possible. Le Secrétariat s’est fortement engagé à cet égard, tant au plan régional qu’international.
Permettez-moi de préciser ce point.
J’ai eu l’honneur de participer au Sommet des dirigeants ACP du Pacifique, qui s’est tenu à Apia, au Samoa, le 5 septembre 2017, Sommet auquel a fait référence la parlementaire du Samoa.
L’adoption, sans équivoque ou ambiguïté, par le Sommet des dirigeants du cadre politique ACP dans le document qui a été examiné et débattu est particulièrement encourageante.
Les dirigeants ont également, et je cite, « réaffirmé avec force leur adhésion et leur appui aux décisions des Sommets ACP et du Conseil des ministres ACP donnant mandat au Groupe ACP pour négocier avec l’UE un nouvel accord pour l’après-2020, en tant qu’une seule entité transrégionale unifiée, sur la base des orientations que fournira un groupe central de négociation » ;
La résolution a également réitéré leur « détermination à collaborer avec les autres régions ACP dans un esprit de compréhension mutuelle et de coopération, ainsi que leur volonté de renforcer encore davantage les liens et les échanges avec le Groupe ACP dans un esprit de partenariat, d’unité et de solidarité. »
Nous devons pouvoir compter sur ce type d’engagement durable de la part de toutes les régions ACP, afin d’enrichir et de soutenir les travaux qui seront réalisés à l’échelle des Ministres et des Ambassadeurs.
Monsieur le Président, Honorables Membres,
Le Comité des Ambassadeurs et le Secrétariat ACP se sont engagés à faire en sorte que les voix de nos représentants parlementaires soient entendues et que leurs préoccupations soient prises en considération dans les négociations.
J’aborde maintenant les progrès accomplis sur les questions thématiques de la transformation économique et structurelle.
En juillet, le Groupe ACP et la CNUCED ont approuvé des principes directeurs pour l'élaboration des politiques d'investissement.
Ces principes appuient les initiatives ACP existantes, telles que la stratégie de développement du secteur privé ACP, la nouvelle approche pour le soutien du Groupe ACP au développement des chaînes de valeur agricoles et la Facilité d'investissement ACP.
Ces principes non contraignants constituent une base pour l’élaboration des politiques d’investissement en vue de :
• promouvoir une croissance économique inclusive et un développement durable ;
• promouvoir la cohérence dans l'élaboration des politiques nationales et internationales d’investissement ;
• favoriser un environnement politique global ouvert, transparent et propice à l’investissement ; et
• aligner les politiques de promotion et de facilitation des investissements avec des objectifs de développement durable.
Ces principes directeurs interviennent à un moment caractérisé par des défis économiques, sociaux et environnementaux, qui mettent en évidence le rôle moteur de l'investissement pour une croissance économique et sociale équitable. Mobiliser les investissements et veiller à ce qu’ils contribuent au développement durable reste un objectif clé du Groupe ACP.
Monsieur le Président,
Le Groupe ACP a tenu sa 5e réunion des Ministres ACP en charge de la pêche du 18 au 20 septembre à Nassau, dans le Commonwealth des Bahamas. Conformément à l’ODD 14 sur la conservation et l'exploitation durable des océans, des mers et des ressources marines, la réunion a abordé des questions telles que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), la gestion efficace de la pêche, l’économie bleue, le développement de l’aquaculture, les pêches artisanales et les réformes des subventions aux pêcheries.
Cette réunion visait à consolider l’engagement politique et financier en vue de renforcer les capacités et la collaboration, d’assurer un suivi étroit et une application stricte afin d’éliminer la pêche INN, y compris par la mise en œuvre des obligations régionales et internationales. Elle avait également pour objectif de renforcer les investissements et les mesures visant à libérer le potentiel économique des chaînes de valeur de la pêche et à accroître les bénéfices des pays et des communautés côtières, en particulier les PEID.
À la conclusion de cette réunion, les Ministres ont renouvelé leur engagement à développer les secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans les pays ACP, ainsi qu’à libérer le potentiel de l’« économie bleue » au moyen d’une nouvelle subvention de 40 millions d’euros en faveur de l’« initiative ACP en faveur de la croissance bleue ». Les possibilités de financement mixte avec la Banque mondiale seront étudiées.
Monsieur le Président,
Un autre sujet que j’aimerais porter à votre attention est le lancement historique d’une initiative pour la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre contre les femmes et les filles. Cette initiative a été lancée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, et le Groupe ACP y était représenté par le Président du Comité des ambassadeurs, S.E. Amadou DIOP, Ambassadeur du Sénégal. Le Groupe ACP est un partenaire clé de cette initiative, avec l’UE et les Nations-Unies.
Cette initiative sera orientée stratégiquement contre les formes les plus répandues de violence à l’égard des femmes et des filles dans différentes régions, y compris les violences sexuelles et basées sur le genre et les pratiques néfastes contre les femmes et les filles, des formes spécifiques de violence domestique et familiale, la traite des êtres humains et l’exploitation économique (du travail).
Pour les régions ACP, l’accent sera mis sur les violences sexuelles et basées sur le genre et les pratiques néfastes en Afrique subsaharienne, la violence domestique et familiale dans les Caraïbes et la violence domestique dans le Pacifique.
La violence dont font l’objet les femmes et les filles est un fléau mondial qui entrave le développement. On estime, qu'aujourd'hui, une femme sur trois a subi des violences au cours de sa vie, soit environ 30 % des femmes dans le monde. Jusqu’à l’année dernière, 19 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi la violence physique et sexuelle d’un partenaire intime. Ces chiffres nous disent que ce problème ne peut plus être ignoré et que des mesures doivent être prises pour y mettre fin.
Monsieur le Président, il s’agit là de quelques exemples du processus de transformation auquel vise le Groupe ACP dans le cadre de l’Agenda 2030.
Avant de conclure, permettez-moi d’exprimer ma gratitude pour les échanges constructifs auxquels nous avons pris part lundi au sujet du processus de l’après-Cotonou. Le Secrétariat continue d’être animé par l’enthousiasme et le dynamisme que cet organe a affiché. Cela illustre clairement votre détermination à jouer un rôle dans la vie de nos citoyens.
Le Secrétariat a écouté avec attention et agit en conséquence.
Nous restons engagés à faire en sorte que l’Accord de 2020 réponde aux défis de notre temps, aux besoins de nos citoyens et aux objectifs de l’Agenda 2030. Nous aspirons à poursuivre cet engagement politique de manière continue avec l’Assemblée parlementaire afin que le nouvel accord réponde à son objet à mesure que nous accélérons les changements en vue de mettre fin à la pauvreté.
Monsieur le Président, Honorables membres,
En conclusion, j’aimerais encore souligner que votre présence à ces réunions intersessions témoigne de l’importance que vous attachez au bien-être des personnes que vous représentez. Vous avez la responsabilité d’affronter les turbulences économiques et les enjeux politiques, qui requièrent intelligence politique et sincérité. Notre mission au Secrétariat ACP ne sera pas dévolue à des individus, mais à un groupe aux objectifs clairs, à des personnes qui sont ici aujourd’hui et qui, comme vous, sont résolues à exercer leurs fonctions avec dignité, détermination et distinction.
Les mots du regretté Nelson Mandela m’inspirent – « Ainsi nous aurons créé une société courageuse, qui reconnaît que tous les individus sont nés égaux, et ont les mêmes droits à la liberté, à la prospérité et à la démocratie. »
Je vous remercie de votre attention et souhaite plein succès à vos travaux.
Patrick I. Gomes
Secrétaire Général ACP